Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

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8 mars 2012, clins d’oeils. Shirley Clarke. Entretien avec Chantal Akerman. Barbara Kopple.









APPEL A MANIFESTER A PARIS LE 8 MARS 2012 :

L’ égalité se clame aussi dans la rue.

Manifestation - journée mondiale pour les droits des femmes

Trajet / parcours : rdv 18h à Nation, manifestation de Nation à Bastille

8 mars. Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.
Journée de solidarité avec les femmes qui se lèvent et combattent partout de par le monde, notamment celles qui sont au cœur du printemps arabe.
De lutte, vous avez bien lu ! Oui, car les femmes, surtout les plus précaires, ont de quoi lutter.
Lire l’appel : http://www.collectifdroitsdesfemmes.org/spip.php?article347

Ecoutez l’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité lue par Dominique Blanc sur France inter (vous le trouverez ci -dessous, en bas de page avec le lien de la pétition à signer). Cet appel sera remis au Président du Conseil Européen à l’occasion du Sommet des chefs d’état et de gouvernement de l’Union Européenne à Bruxelles le 25 mai 2012.

Au cinéma, les femmes aussi : trois clins d’œil

Shirley Clarke /Entretien avec Chantal Akerman : retour sur Jeanne Dielman et sur le féminisme / Harlan County USA de Barbara Kopple : écoutons Florence Reece chanter la mémoire des luttes des mineurs.

-  Shirley Clarke
Et d’abord, honneur à l’art hautement poétique de la grande Shirley Clarke.
Nul ne s’étonnera en voyant cette magnifique chorégraphie de ponts d’apprendre que la cinéaste avait voulu commencé par faire de la danse !
L’univers des films de Shirley Clarke est le plus souvent habité par une bohème où se croisent junkies, marginaux, gangsters, musiciens de jazz. Il faut découvrir ou revoir le stupéfiant, car c’est le mot qui ici convient dans son sens littéral, Portrait de Jason (1966), homosexuel et prostitué.
Shirley Clarke avait le brûlant pouvoir de révéler le " monde froid" d’une autre Amérique où la fiction ressemblait à du documentaire et le documentaire à de la fiction. Cinéaste majeure, elle a contribué au mouvement de l’avant garde américaine et du cinéma indépendant dans les années 1960-1970. Un portrait d’elle existe dans la collection Cinéastes de notre temps de A.S Labarthe et J. Bazin. 1970 : Rome brûle, portrait de Shirley Clarke réalisé par Noël Burch et André S. Labarthe (53 min), collection précieuse et indispensable à tous ceux qui aiment le cinéma.
Il est également possible de le voir sur http://vimeo.com/20737456.

Bridges Go-Round (Shirley Clarke, 1958)

Ensuite, j’ ai choisi de faire deux autres autres clins d’œil : au film
Jeanne Dielman de Chantal Akerman puis à Harlan County USA de Barbara Kopple.

Je vous propose ce 8 mars de lire un court entretien avec Chantal Akerman où il est question de féminisme et aussi de Jeanne Dielman.

Je signale aux Parisiens, qu’ils ont encore le temps de voir dans les salles du Mk2 Beaubourg, de l’Entrepôt ou du Studio Galande le dernier film de Chantal Akerman, La Folie Almayer, sorti le mois passé en salle, et disparu trop vite, comme l’éclair. Le film passe aussi encore en province.

Chantal Akerman
Extraite d’entretien avec Chantal Akerman

MP3 - 8.6 Mo
MPEG4 Audio - 1.7 Mo

Lors de sa sortie, le film Jeanne Dielman réalisé par la cinéaste belge Chantal Akerman avait provoqué un véritable choc par la radicalité de son esthétique et par son contenu. La collection Cinéastes de notre temps de J. Bazin et A.S Labarthe propose également un portrait de Chantal Akerman tourné en 1996 : Chantal Akerman réalisé par Chantal Akerman (64 min)

Alors que Carlotta Films éditait un coffret de cinq DVD de films des années 1970 de Chantal Akerman, j’avais rencontré celle-ci.

Je suis également attachée au film Jeanne Dielman par le très beau souvenir que je garde de Delphine Seyrig que j’ai connue lorsque j’étais élève de Tania Balachova. Delphine était venue rencontrer Zouc dont j’étais alors une amie proche. Elle nous rejoignit toutes deux dans le petit café de la rue de la Gaité, voisin du théâtre de Poche Montparnasse.
J’eus d’autres occasions par la suite de croiser Delphine Seyrig. À la Cinémathèque française de Chaillot, à l’heure "durasienne", entre minuit et deux heures du matin. C’était l’heure où Marguerite Duras débarquait pour voir les premiers films de Philippe Garrel ou de Jean - Daniel Pollet souvent programmés tard dans la nuit. Duras venait toujours accompagnée d’une bande d’amis dont Michel Lonsdale, Delphine Seyrig, Catherine Sellers, Bulle Ogier, Matthieu Carrière...
Je croisai aussi Delphine Seyrig dans le mouvement des femmes et les batailles pour la libéralisation de l’avortement auxquelles j’ai participé dès 1971. J’en garde le souvenir d’une femme très combative, y compris face à la répression car la police avait l’ordre d’ embarquer celles et ceux qui participaient aux actions de soutien à l’avortement et je me souviens de Seyrig embarquée une nuit au commissariat !
Petite de taille, elle était une grande dame du théâtre et du cinéma : une voix mélodieuse au phrasé étonnant, unique, un corps et une présence exceptionnels, un art rigoureux du geste. Dans Jeanne Dielman, cette précision dans l’art du geste fait merveille pour exprimer toute la barbarie de l’oppression.

Chantal Akerman, Être en résistance

entretien réalisé par Laura Laufer en avril 2007

• Qu’est-ce que les années 1970 évoquent pour vous ?

Chantal Akerman – Ce sont les années où nous avons cru, juste après 68, que tout était possible. Mais se profilait aussi le manque de travail. On ne se disait pas, en tant que jeune homme ou jeune fille, « j’ai envie d’être employé », non, c’était l’époque où les jeunes avaient des rêves qu’ils croyaient pouvoir réaliser, et c’est ce qu’on vivait. Tout avait bougé : dans les rapports sexuels, bien sûr, les rapports femmes-femmes, les rapports hommes-hommes, les rapports hommes-femmes. Les hommes en profitaient en disant : « On est libre, alors couche avec moi. » Oui, mais pourquoi oui ? Cette liberté rapporte d’abord surtout aux garçons ! Moi, j’avais un besoin d’amour lié au sexe. Le sexe ne suffisait pas. J’avais 18 ans et le monde s’ouvrait devant moi, alors qu’au même âge que moi, ma mère était dans les camps. Le contraste était tellement énorme entre ma jeunesse et la sienne ! Nous, on se sentait plein de feu et de flammes. Je pense que cette impression a commencé à changer à partir de 1978.

• C’était l’époque des luttes de femmes ?

C. Akerman – J’étais à Psych(analyse) et po(litique). Et j’étais fascinée. Antoinette Fouque était un gourou, c’était une analyste, et tout cela financé par la famille Schlumberger ! Antoinette utilisait l’analyse sauvage. On n’a pas le droit de faire cela : beaucoup de filles ont fini en cliniques psychiatriques et ne se sont plus jamais investies politiquement ! Je pense que j’ai toujours été féministe sans le savoir. Mon père disait à ma mère : « Tu veux bien m’apporter le sel ? », « Tu veux bien m’apporter le poivre ? » À un moment, j’ai dit : « Papa, tu ne peux pas aller chercher le sel toi même ? » C’est la base.

• Dans Je tu il elle, vous décliniez plusieurs temps : d’abord la solitude et l’enfermement avec boulimie (présente dans un bon nombre de vos films) ; puis, vous sortez et rencontrez un camionneur (Niels Arestrup) que vous branlez dans son camion ; enfin, vous allez chez une amie faire l’amour avec elle. Loin de tout voyeurisme et pornographie, vous inventiez un regard neuf en filmant le plaisir très différemment des normes en cours…

C. Akerman – Ce film est plus triste. J’y joue une adolescente paumée, où la boulimie est à l’image de l’angoisse des camps transmise par ma mère : dans les camps, on mangeait ce qui reste. Je représentais la sexualité sans essayer de justifier quoi que ce soit. Quant à l’image du plaisir de l’homme, je l’ai totalement inventée, parce qu’alors je n’en savais rien ! J’ai écrit cela d’un jet, collé le texte sur le pare-brise et Niels le lit à merveille. Quant à l’homosexualité, j’étais frappadingue de montrer mon corps faisant l’amour avec une autre femme, surtout venant d’une famille juive où la tradition était très prégnante. Je n’ai pas voulu que le film sorte en Belgique : cela aurait tué mon père !

• Et Jeanne Dielman ?

C. Akerman – Tout était écrit méticuleusement, comme dans un nouveau roman. Là aussi, le personnage n’existait que parce qu’« elle fait ». Je ne voulais pas tourner un film narratif, mais expérimental. Et cela a été une chance formidable de travailler avec Seyrig. Delphine, qui était très féministe, a accepté le projet parce que c’était un film de femme, et qu’elle avait aimé Hôtel Monterey. L’équipe de tournage était composée à 99 % de filles d’une vingtaine d’années. Le film représente trois jours de la vie d’une jeune femme veuve, qui élève son fils et se prostitue. Il décrit minutieusement la répétitivité des gestes des tâches ménagères, rituel de l’expression d’un ordre que la découverte du plaisir va bouleverser.

• Qu’en est-il aujourd’hui de la femme au foyer ?

C. Akerman – La régression touche la femme au foyer avec le discours selon lequel, si les femmes ne s’étaient pas mises à travailler, les enfants travailleraient mieux à l’école. On fait un bond de vingt ans en arrière. Et ce n’est pas non plus une Ségolène qui va sortir les femmes de leurs boîtes. Elle est du côté des hommes, elle ne fonctionne que dans la séduction. Cela se voit bien.

• Ce film, révolutionnaire dans sa forme, ne l’était pas moins dans ce qu’il disait sur l’ordre, le travail domestique, la jouissance…

C. Akerman – Le plaisir n’a pas de place dans l’ordre, ou plutôt n’a de place que par son côté répétitif. Marguerite Duras m’interrogeait sur la fin de Jeanne Dielman : elle tue, parce que le film est une tragédie, sinon ce serait une chronique et ce serait ridicule. Le plaisir bouleverse l’ordre et, à partir du moment où l’ordre est bouleversé, on entre dans le risque. À partir de là, tout l’ordre commence à s’écrouler. À l’époque, j’ignorais l’importance de ce que j’affirmais. Cela sortait de moi, je l’ai écrit et j’ai fait le film. Quand les gens l’ont découvert, à Cannes, ils croyaient que la réalisatrice était une femme de 40 ans au lieu de la gamine de 24 ans que j’étais, d’autant que j’en paraissais quinze par la taille !

• Vous n’êtes pas une cinéaste « militante », mais votre cinéma est politique. Après les années 1970, dans vos films, il n’y a plus que champ de ruines. C’est l’impossible avenir, après la chute du Mur, dans D’Est ; le mur qu’on dresse entre Mexique et États-Unis dans De l’autre côté ; c’est aussi la fermeture totale dans votre dernier film, qui se passe à Tel-Aviv et où on se croirait dans un bunker assiégé. Comment voyez-vous aujourd’hui ?

C. Akerman – Aujourd’hui, il faut être dans la résistance. Il faut prendre des caméras DV, avec deux ou trois amis, faire des films et, avec cela, on peut faire de grandes choses. Oui, il faut être dans la résistance au capital et à toute normalisation.

- 
Propos recueillis par Laura Laufer

 [1]

Barbara Kopple

La documentariste, Barbara Kopple est américaine. Ses films se situent dans la lignée de Lionel Rogosin, Richard Leacock ou D. A. Pennebaker dont elle fut l’assistante à la caméra . « Harlan County USA » qui reçut l’Oscar en 1976, montre avec une ténacité remarquable la grève des mineurs de 1973 où les femmes vinrent soutenir les maris. On perçoit la violence de ce conflit de classe à travers sa répression sanglante.
Cette grève fait suite - il y en eut d’autres entre temps - à celle des mineurs de Harlan County en 1931. En 1931, les vigiles armés parcouraient la région, terrorisant les gens, les syndicalistes pour les battre, les enfermer ou les tuer. Des têtes ont été fracassées, des balles ont été tirés au cours de ce « bloody Harlan » (Harlan sanglant). Les mineurs se sont armés et ont résisté, apprenant à combattre…

Dans cette guerre impitoyable des classes où les propriétaires de mines envoient leurs bandes armées tirer sur les mineurs, je suis toujours très émue par l’intervention de Florence Reece, fille et petite fille de mineurs et auteure de cette chanson devenue emblématique de la lutte. Elle l’a écrite en 1931, lors de la grande grève. Son mari Sam Reece, syndicaliste en était un des leaders. Ecoutez...

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- À écouter :
l’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité lue par Dominique Blanc sur France inter.

Cet appel sera remis au Président du Conseil Européen à l’occasion du Sommet des chefs d’état et de gouvernement de l’Union Européenne à Bruxelles le 25 mai 2012.

Voici le lien vers cette pétition http://www.mesopinions.com/L-appel-du-8-mars-pour-la-dignite-et-l-egalite-petition-petitions-a89238a98fc0692c7924831a31f907b8.html

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Appel pour la Dignité et l’Egalité par franceinter