Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

Télécharger la revue de presse
Commander l'ouvrage







Contacter Laura Laufer
S'inscrire à la newsletter



création graphique © atelier du nomansland
8 mars FEMMES de CINEMA : Catherine BREILLAT, Kathryn BIGELOW- Audrey HEPBURN par Catherine BREILLAT.





Chaque 8 mars, sur ce site , je rends hommage aux FEMMES de CINEMA.
Mon critère de choix est la TENEUR en CINEMA, la QUALITE de CINEMA et non le fait d’être femme et de faire des films.
Après Shirley CLARKE, Chantal AKERMAN, Evelyn LAMBART, Lotte REINIGER, Elaine MAY, mon coup de chapeau va cette année va à Catherine BREILLAT et Kathryn BIGELOW.
Clin d’œil aussi à l’actrice Audrey HEPBURN d’autant que le 10 avril au Rex de Châtenay-Malabry, je présenterai " Drôle de frimousse" un des trois films (avec Charade et Voyage à deux) qu’elle a tournés pour le grand Stanley DONEN. Honneur de nouveau à Catherine Breillat qui nous en parle magnifiquement.





Catherine BREILLAT
Le seul grand sujet du cinéma est l’invisible.
C’est de cela qu’il s’agit dans le cinéma de Catherine Breillat qui donne à voir ce qui n’est pas regardable : le sexe.
Sans pathos, ni romantisme – mais pas sans romanesque -, elle met au cœur de son œuvre les rapports intimes dans toute leur crudité, avec la conscience que les sentiments ne peuvent en être exclus.
Breillat est entomologiste dans la démarche, tant sa précision est nette. Par là, un rapprochement avec le cinéma de Luis Bunuel est probable - je n’ai pas creusé -.
Une chose est sûre : son cinéma est un des plus passionnants et complexes apparu depuis 1976, loin de l’ « idéologie » réductrice qui gangrène pléthore de films "de femme » vides de toute qualité cinématographique.
Le corps et le sexe étant riches d’ enjeux politiques où se jouent les rapports de domination qui construisent socialement les identités : le cinéma de Breillat est donc très politique.

Kathryn BIGELOW
Mais qu’est ce qu’un cinéma écrit par une femme ? Prenez Detroit de Kathryn Bigelow — pour moi, le meilleur film de 2017 : Bigelow tourne des films très violents de fort impact émotionnel et vise le grand public. Après La Traque de Ben Laden, Démineurs (lauréat de 6 oscars, une première pour une femme réalisatrice !) montrant l’aventure d’une équipe de déminage après la guerre en Irak, Détroit évoque le massacre et la terreur perpétrés par la police lors des émeutes raciales à Détroit en 1967. Il est intéressant de revenir sur la polémique que le film a créée : plusieurs groupes afro-américains ont dénoncé le fait qu’une "femme blanche exploite leur souffrance".
Variety dans ce sillage écrit : «  Comment Bigelow — une femme blanche qui a grandi à San Francisco dans une famille bourgeoise et fait ses études dans la très select université de Columbia peut-elle comprendre et faire la lumière sur une expérience aussi viscérale que le racisme ? ».
À lire ces mots « femme, blanche, bourgeoise, éduquée », on mesure ce que le communautarisme, la division en genre, couleur, classe ont de pervers ! Il en va du racisme comme du sexisme. La question qui se pose au cinéma est celle de la qualité du regard : témoin, victime, poète, penseur … ? Les recherches historiques et de témoignages effectuées par Bigelow sur les émeutes de Détroit montrent qu’elle a pris l’affaire à cœur et trouvé la forme pour le dire. Loin de la perversité dont on l’accuse, le film révèle sans fard la gangrène raciste qui infeste les idées et les actions de la police américaine. Il montre à vif les plaies d’un pays qui a enfanté un État brutal. Que cette vérité soit dite par une femme, aux films « musclés », dérange.
Mais qui peut et comment dire l’oppression, l’aliénation, les violences, le racisme ? La douleur et les souffrances qu’ils engendrent appartiennent-elles aux seules victimes ou à l’humanité entière ? Et donc le CINEMA peut les dire quel que soit le genre de son auteur(e).
A ce propos, lors de la rétrospective des films de Chantal Akerman , le mois dernier à la Cinémathèque française, on s’est souvenu des mots de l’auteure de Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles.
« Je refuse d’être considérée comme une femme cinéaste. Je suis cinéaste, point. »

AUDREY HEPBURN
vue par CATHERINE BREILLAT.

On retrouvera Audrey HEPBURN dans Drôle de Frimousse que je présenterai le 10 avril prochain au Rex de Châtenay- Malabry.