Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

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Festival Howard Hawks au Christine à partir du 25 février. Polars dans la deuxième salle









25 février au 17 mars, Howard Hawks au cinéma Le Christine

4 rue Christine 75006 Paris 6e Métro : Odéon (4/10) Réservation : 01.43.25.85.78. Tarifs Cinéma : places 8€. tarif réduit 6€ : étudiants, carte seniors, CV et - 20 ans. tarif réduit 5€ : cartes illimitées

Le Christine donne l’occasion de revoir ou de découvrir les œuvres d’un très grand cinéaste, auteur de Scarface, Le grand sommeil , L’impossible Monsieur Bébé, Le port de l’angoisse, Rio bravo, Le Sport favori de l’homme ...

Dans l’autre salle du Christine honneur aux polars en 14 films avec plusieurs chefs- d’œuvre dont le sublime, tendre et lyrique Les amants de la nuit, première œuvre de Nicholas Ray, High Sierra de Raoul Walsh ou Le port de la drogue de Samuel Fuller.

Et avant de me lire sur "L’art parfait de Howard Hawks", je vous propose de regarder une petite vidéo en espagnol mais très parlante VISUELLEMENT. Vous pouvez y regarder des extraits de films présentés côte à côte pour constater l’influence du cinéma de Hawks sur des cinéastes comme Spielberg, Carpenter, Stanley Kubrick, Ridley Scott, Baz Luhrmann... La vidéo contient aussi des extraits d’un entretien avec Hawks en anglais.

Howard Hawks, un art parfait

Howard Hawks forme, avec John Ford et Raoul Walsh, la trilogie qui porta le cinéma hollywoodien classique à son apogée. Il a conduit son œuvre qui compte quarante-cinq films, à un degré de perfection rare.
Né en 1896, Hawks gagne sa vie, de 1912 à 1917, comme pilote de course automobile. Ingénieur diplômé en 1917, il travaille dans une usine aéronautique, devient aviateur et forme des pilotes durant la guerre de 1914-1918. Avions et automobiles sont, alors, encore en une ère pionnière. Pionnier, Hawks le sera aussi dans ses futurs films. En effet, le cinéaste tourne un ou plusieurs chefs-d’œuvre dans chacun des genres qu’il aborde, et ces films constituent presque autant de modèles qui inspirent le cinéma par la suite, du mythique film de gangsters Scarface, en 1932, à Hatari ! qui lança un genre (voir le feuilleton télévisuel Daktari, très éloigné du vrai sujet d’Hatari !).

Danger !

La modernité de Hawks se mesure aussi à son impact sur des cinéastes d’aujourd’hui. Brian de Palma lui dédie son remake de Scarface, il inspire John Carpenter pour The Thing et influence G. A. Romero dans son traitement de la violence.

Howard Hawks fut un des premiers à produire ses films et à reproduire sa signature manuscrite à leur générique, affirmant ainsi sa conscience d’auteur et son indépendance au sein des studios. À l’égal de ceux de Lang ou de Hitchcock, ses films créent des formes neuves exprimant une vision du monde marquée par l’éthique (Scarface, Seuls les anges ont des ailes, Le Grand Sommeil, Les hommes préfèrent les blondes, Hatari ! Rio Bravo...). Dans un style sobre, concret, il impose avec grand naturel, l’intelligence et l’élégance d’une œuvre très cohérente où se répètent des thèmes et des formes, déclinés avec variantes, jusqu’à la perfection. Hawks aime reprendre un gag dans ses comédies, à plus de dix ans de distance, pour en pousser, chaque fois plus avant, la logique abstraite, en extraire toute la substantifique moelle. Le cinéaste est à ce titre un maître dans l’art du burlesque.

Hawks écrit ses films en collaboration avec des scénaristes au nom prestigieux : Ben Hecht, John Huston, Billy Wilder… parmi lesquels on trouve ses amis personnels, Hemingway et Faulkner. Les récits rigoureux, les dialogues brillants jouent l’équilibre subtil où le ton passe avec maestria, au sein d’un même film, de l’humour et du cocasse au sordide et au tragique.

Récits de groupes d’hommes face au danger, le rythme de ses films des années 1930-1940 est plutôt concentré et rapide, alors que celui des années 1950-1960 est plus ample : ainsi, les récits d’action des pilotes d’escadrilles en 1914-1918 nourrissent l’impitoyable mécanique de la guerre qui exige son lot de morts qu’une relève de chair à canons remplace aussitôt (Dawn Patrol, 1930) ; les pilotes de Seuls les anges ont des ailes (1939) affrontent les intempéries et les redoutables pics andins en faisant leur métier dans l’aéropostale, le fret, le secourisme. Pourtant, après chaque accident ou chaque mort, la vie continue. Le récit de La Captive aux yeux clairs (1952) prend le rythme lent et majestueux du fleuve que les hommes remontent, pour se charger peu à peu de densité et de tension.

Le thème de l’homme face au danger fait le cœur de l’œuvre du cinéaste et Hawks a d’ailleurs donné à un de ses plus beaux films tourné en 1962 en Tanzanie, le titre « Hatari ! » qui signifie « danger ! » en swahili.
Hatari ! – comme tous les derniers chefs-d’œuvre, Ligne rouge 7 000, Rio Bravo – intègre relâchements et digressions au cœur même de récits tendus. Les films respirent un naturel exemplaire, où tout paraît fluide et organique comme la vie même. Hommes et femmes, face au danger et au risque quotidien de la mort, font, tissent ou défont leurs amours.

Nouveau monde

Refuser de vieillir est, pour Hawks, primitif et dans Chérie je me sens rajeunir, fabriquer un élixir de jouvence est signe de régression. Hawks croit en « l’ordre naturel ». Là est sa morale. De ce point de vue, Les hommes préfèrent les blondes montre l’infantilisme et la régression et la femme et l’homme y sont des caricatures monstrueuses mais complémentaires, telles qu’on peut les voir dans les dessins animés de Tex Avery, dont ce film est esthétiquement parent. Les croqueuses de diamants sont le fruit du capitalisme ainsi que les milliardaires. Hawks déteste l’excès.

Dans de nombreux films de Hawks, les hommes, face au danger dans un premier temps, rejettent la femme y voyant une menace pour la communauté. Mais ne confondons pas les personnages et le réalisateur. Si dans ce cinéma, les hommes sont misogynes, ce n’est pas le cas du metteur en scène -contrairement à sa réputation-. Quant à la femme, Hawks loin d’en faire un objet passif, la montre active, s’impliquant face au danger et nouant sa relation avec l’homme par sa capacité d’initiative, sa ténacité, son courage. Hawks aime à jouer de l’inversion des valeurs dominantes dans la représentation qu’il donne de l’homme et de la femme car, en vérité, il croit profondément en la complémentarité de l’homme et de la femme.

La majorité de ses films décrivent le parcours initiatique qui conduit à la constitution du couple. Il faut, pour les protagonistes, en passer par l’action, le conflit, la réflexion et le dépassement des conflits. La stratégie de la capture amoureuse est probablement le plus grand sujet hawksien et il est significatif que dans son œuvre, on trouve pour action centrale du scénario la chasse (Hatari !) ou la pêche (Le Sport favori de l’homme). Ces activités sont la métaphore des relations qui se nouent entre l’homme et la femme. C’est dans l’action et à travers l’accumulation d’expériences que le couple se réalise, son modèle parfait s’incarnant dans celui formé par Bogart-Bacall dans Le port de l’angoisse et Le Grand Sommeil.

L’homme, face au danger, veut éliminer le « problème » féminin, mais que la femme survienne, et l’homme découvre, alors, l’avenir d’un nouveau monde.

Laura Laufer
© Laura Laufer.