Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

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Florange










Les mains d’or -
Bernard Lavilliers.

J’ai signé la pétition de soutien aux travailleurs de Florange, je vous appelle à la signer aussi.
Laura

Sauver la sidérurgie en Lorraine

Pétition adressée
à la Direction Arcelor Mittal, au Ministère du travail, à la Communauté de Communes des villes concernées

Après Longwy et Gandrange, l’épidémie se propage jusque dans la Vallée de la Fensch. Un vaccin s’impose ! Et pas des moindres, Nous ne parlons pas d’épidemie humaine mais bien de celle qui touche les usines sidérurgiques Arcelor Mittal. Si nous ne réagissons pas Mittal emportera la vallée dans sa chute. Alors pour sauver la vallée signez et partagez cette pétition.

Pétition faite par l’association La Lorraine à travers les siècles.

http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2012N21114

Pour saluer les travailleurs de Florange et leur combat, je vous propose de regarder ce très beau film de Jean - Daniel Pollet, en noir et blanc et en couleurs, Pour mémoire( La Forge).
Date de sortie : 07 septembre 1983.
Réalisé par :Jean-Daniel POLLET avec Lucien DOYEN. Distributeur POM FILMS

" Une forge dans Le Perche. Elle s’apprête à fermer. Jean-Daniel Pollet s’attache à ces gestes qui seront perdus, à ces hommes qui les répètent avec précision, amour, et désespoir. Dans la lignée de ses films-essais, il fait de Pour mémoire (La Forge) un poème humaniste sur la fin d’ un monde ouvrier et la perte de la transmission du savoir, mais aussi une réflexion sur le travail et son sens".

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Quelques mots, à propos de Jean- Daniel Pollet :

Le parti pris des choses

Depuis 1956, ce très grand cinéaste tournait, selon ses propres mots, deux types de films : ceux « rassurants » et ceux à « hauts risques »(1).

Dans les premiers, Pollet s’essaie au policier, à la science-fiction et réussit de superbes comédies insolites. De sa rencontre, en 1958, avec Claude Melki sur le tournage de Pourvu qu’on ait l’ivresse (formidable film sur un bal populaire), naît une collaboration unique dans le cinéma comique français. Dans cinq films de Pollet, Melki émeut ou fait rire. Il joue magnifiquement l’aliénation affective et sexuelle, la solitude dont souffre le personnage de Léon qu’il incarne. Ce modeste héros, tailleur, plongeur de restaurant, homme de ménage, tour à tour, selon les films, connaît un relatif succès dans des films superbes comme L’Amour c’est gai, l’amour c’est triste ou L’Acrobate, situé, pour ce dernier, dans le milieu de la danse populaire, du tango.
Méditerranée, Le Sang, L’Ordre sont autant d’essais poétiques à « hauts risques » sans scénario préconçu, ni schéma. Dans ces films tournés en marge de la production ambiante, l’artiste risque une aventure humaine et cinématographique où la fiction croise ou côtoie le documentaire. Le montage de ces films provoque un choc intense, fort, poétique, dérangeant, alors que mouvements et rythmes de caméra créent temps et espaces multiples.
Méditerranée, en 1963, voyage subjectif sur un texte de Philippe Sollers, investit territoires, mémoires, lumières, sons d’une poétique unique. Ce film novateur, impressionnera fortement des cinéastes tels Jean-Luc Godard ou Marguerite Duras, qui lui rendront hommage.

Au plus près des choses et des hommes, le cinéma précis et beau de Pollet devait rencontrer l’œuvre du poète Francis Ponge avec Dieu sait quoi. Ponge, dans son écriture poétique, crée un usage des mots qui refuse l’abstraction éthérée. Pollet fait de même avec les images, les sons, la lumière, le montage, le mouvement. Son cinéma matérialiste, concret, revendique, comme l’écrit Francis Ponge, « le parti pris des choses ».

L’Ordre a pour personnages centraux des lépreux grecs exclus durant de longues années de la société et parqués dans l’île de Spinalonga. Ce film de révolte, dénoncé par le corps médical et les laboratoires pharmaceutiques, ne « documente » pas sur la lèpre mais s’organise autour et à partir du point de vue des lépreux. Il dénonce leur exclusion accrue quand la société décide de les enfermer dans un mouroir flambant neuf, après vaccination. Là, hommes et femmes séparés attendent la mort alors que dans l’île autogérée de Spinalonga, ils pouvaient s’aimer librement, bien qu’on leur ôtât tout nouveau-né. « La mort est-elle contagieuse ? », lance Raimondakis, le lépreux. Pollet filme alors le monde minéral dans son usure, sa durée et la dégradation de murs, véritables murs lépreux, comme contrepoints à l’image d’effroi et de mort collée d’ordinaire à la lèpre.
L’aliénation, la solitude, l’enfermement, thèmes majeurs de l’œuvre de Pollet, sont présents dans Le Horla ou Tu imagines Robinson, libres variations sur les œuvres de Maupassant et de Defoe, mais aussi dans son dernier film, Ceux d’en face.
Celui-ci montre, comme l’écrit Pollet, des « images de désolation, de chaos ou d’espoir, de vieillards, d’enfants dans la tourmente, de femmes au travail, de victimes, de prédateurs, de mégapoles ou de villes fantômes, d’objets ou de lieux marqués par le passage du temps »(2).
Tourné en 2000, sorti après le 11 septembre, Ceux d’en face offre un authentique écho de la barbarie et du chaos de notre temps.

Jean-Daniel Pollet, en Mai 68, accueillait dans son appartement les réunions des Etats généraux du cinéma pour écrire le texte manifeste des rebelles de la profession dont il fut un des inspirateurs. Cet artiste avait gardé, toujours intacte, une révolte féconde, tangible dans le lyrisme intense de ses films.

Cinéaste novateur, poète et rebelle, tel fut Jean Daniel Pollet.

Laura LAUFER- 23/09/2004

1. L’Entrevue, de G. Leblanc et J.-D. Pollet, éditions de L’œil, 1998.
2. J.-D. Pollet, in Trafic, n° 20, éditions POL.