Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

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création graphique © atelier du nomansland
Fassbinder avec Elisabeth Trissenaar, Juliane Lorenz, William Karl Guérin.





FASSBINDER
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http://www.lauralaufer.com/spip/IMG/mp3/William_Fassbinder-mp3.mp3http://www.lauralaufer.com/spip/IMG/mp3/Juliane_Lorenz-mp3.mp3
-  RENCONTRE
À l’occasion de la sortie du film Le Monde sur le fil, 3h25, 1973, vostfr., venez rencontrer Juliane Lorenz, présidente de la Fondation Fassbinder et monteuse du cinéaste. Une signature du DVD et du blu-ray sera organisée au Nouveau Latina (Paris 4ème) le samedi 2 octobre à 16h30.
Le Nouveau Latina 20, rue du Temple, 75004 Paris, tél. 01 42 78 47 86 - www.lenouveaulatina.com
- Consultez aussi le site de la Fondation Fassbinder pour tout savoir sur le cinéaste : www.fassbinderfoundation.de/ -

AU CINEMA POUR UNE SEMAINE EXCEPTIONNELLE
ET UNIQUE AU REFLET MEDICIS
DU 6 AU 12 OCTOBRE
Un film de Rainer Werner Fassbinder,
Avec Klaus Löwitsch, Barbara Valentin, Adrian Hoven.

- Egalement dans cette salle. HOMMAGE A ARTHUR PENN
FROID COMME LA MORT (1986, 1h40, vostfr)
BONNIE AND CLYDE (1967, 1h51, vostfr)
MIRACLE EN ALABAMA (1962, 1h46, vostfr)
LE GAUCHER (1958, 1h40, vostr)

ARCHIVES SONORES :
- En 1992 j’ai réalisé une émission de deux heures
consacrée à Fassbinder. J’avais alors rencontré Juliane Lorenz, Elisabeth Trissenaar, Harry Baer, Argos Film et j’avais demandé à William Karl Guérin, un ami cher et trop tôt disparu, de me parler de l’œuvre du cinéaste qu’il connaissait bien.
Pour les passages en anglais j’avais à l’époque assuré moi même la traduction en écoutant mes cassettes au casque et monté les sons au magnétophone... Manière un peu rudimentaire !
Ci-dessous vous trouverez quelques extraits de cette émission.©Laura Laufer

- Elisabeth Trissenaar obtient son premier contrat en 1964 au théâtre de Berne puis au théâtre de Francfort ; elle rencontre Rainer Werner Fassbinder, qui la fait tourner dans plusieurs de ses long-métrages et téléfilms. Elle vit à Berlin.
Sous la direction de Fassbinder elle joue dans
La Femme du chef de gare (Bolwieser, 1977), L’Année des treize lunes (In einem Jahr mit 13 Monden,1978), Le Mariage de Maria Braun (Die Ehe der Maria Braun, 1979) , Berlin Alexanderplatz, 1980.
Ses principaux rôles au théâtre ont été Lady Macbeth, Hedda Gabler, Médée, Iphigenie auf Tauris, Elektra, Le Balcon.

Juliane Lorenz travailla au montage d’une dizaine de films de Fassbinder et fut sa dernière compagne. Elle préside aujourd’hui la Fondation Fassbinder.





- Rainer Werner FASSBINDER, ALLEMAGNE NEUVE ZERO
par Laura Laufer -

C’est en Allemagne de l’Ouest, vingt ans après le nazisme, qu’apparaît le météore Fassbinder, qui laisse une œuvre prolifique, protéiforme, brûlante, attachante, provocante, inégale, avec écrits, théâtre et plus de quarante films. Son expérience d’auteur, acteur, metteur en scène de théâtre nourrira son cinéma. La troupe de l’Antitheater1 (1968) sera la première tribu de l’artiste, qui cherche chez ses collaborateurs une famille de substitution, besoin affectif vampirique - des intimes vont parfois brûler leurs ailes jusqu’à la mort près de cet « ange exterminateur ».

Son cinéma subjugue par sa formidable intuition et l’inventivité de sa mise en scène. Fassbinder cherche et trouve. Héritier de ses pairs (Sternberg, Sirk, Godard, etc.), son style s’affirme unique dans des genres et formes divers : mélodrame, film de gangsters, essai, comédie, feuilleton ; réaliste, minimaliste, baroque, didactique, expressionniste... Ses films expérimentent l’inachevé ou l’aboutissement, la riposte urgente ou le projet mûri. Leur facture impose le symbolisme de sa mise en scène : plan séquence souvent en une seule prise, cadrage serré ou mis en perspective, rigueur du jeu. La réalité y est vue selon les films, au travers de prismes fragmentés, de miroirs obliques, en lumière directe et crue ou encore masquée par des caches, réalité tenue proche ou distante. Quoi de commun entre la luxueuse peinture à la "Nicolas Poussin", qui domine le huis clos du théâtre cruel de Petra von Kant, et l’austérité du Marchand des quatre saisons ou de La Femme du chef de Gare ? Les jeux sadiques ou masochistes de pouvoir, de possession, d’autodestruction.

La femme peut y tenir du mannequin mâtiné de poupée à la Bellmer, façon kitch (Petra von Kant), des Femmes à la Cukor (Femmes à New York), de l’héroïne à la Tchékov d’un monde finissant (Effi Briest)... Femme ou homme prennent les mille facettes d’une comédie humaine.

Fassbinder constate non la mémoire, mais l’oubli qui domine son pays. L’œuvre met le doigt sur les plaies de l’Allemagne en sa nouvelle maison, arrogante reconstruction faite sur les décombres : amnésie volontaire, fantômes du passé, conformisme, pouvoir et rapport de classes, « miracle économique ».

En sexe comme en tout, Le Droit du plus fort triomphe. Sordides portraits où bourreaux et victimes peuvent aller jusqu’à l’interchangeable : ce qui dérange chez Fassbinder, c’est que le rouge est noir, le gay n’est pas gai et le spéculateur immobilier de Francfort est « A., dit le Juif riche » (Les Ordures, la ville...), provocations insupportables.

Sexe, ambition sociale, drogue, spectacle, le personnage fassbindérien connaît l’élévation ou la chute, le plein ou le vide, parfois les deux. Ainsi, l’irrésistible ascension sociale de Maria Braun ou de Lola quand Veronika Voss ou Elvira (extraordinaire Volker Spengler dans L’Année des treize lunes) sombrent dans le néant. Les films de Fassbinder ont pour sujet l’immense fuite dans laquelle s’engouffrent ses personnages pour sauter dans le vide, un vide qui, à l’écran, rend gorge. Théâtre du sang des bêtes, celles tombées à l’abattoir : l’impossibilité à « être » du transsexuel Elvira renvoie comme autant de jeux de miroirs à sa première fonction, boucher, et à son état, castré.

Fassbinder avait la plus profonde répulsion pour l’Allemagne réarmée, celle de « l’infamie d’octobre 1977 », l’assassinat des «  suicidés » de la bande à Baader. Le cinéaste choisit alors la vie en « exil » à Paris, loin de l’Allemagne policière, de ses lois d’exception, de son berufverbot (2), bien qu’il continue à y tourner ses films. Du Voyage de Niklashausen à La Troisième Génération, féroce, il traque le « confort » petit-bourgeois du gauchisme, du terrorisme comme celui du communisme orthodoxe (Maman Kusters...) lové dans le costume étroit de l’idéologie et du dogme. Fassbinder recherchait l’authentique révolutionnaire, d’où le projet d’une Rosa Luxemburg, qu’il n’a pu réaliser.

Berlin Alexanderplatz, d’après Döblin (que l’on a pu voir au Goethe Institut, il y a douze ans), est le noyau politique et esthétique de l’œuvre. Un opéra de chassés-croisés terrifiants des destins personnels et collectifs dignes d’une représentation de l’Enfer au xxe siècle, un film dont l’épilogue croiserait Pasolini, Wagner et Syberberg.

En quatrième vitesse, l’œuvre de Fassbinder, mort à 37 ans d’overdose, s’est accomplie. Mirage de la vie. L’artiste avait juste pris le temps d’aimer et de mourir.
-© 1992 - Laura Laufer.

1. L’Antitheater jouait un répertoire classique, Ibsen, Tchekhov, Goldoni dans des mises en scène avant-gardistes.

2. Interdiction professionnelle.