Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

Télécharger la revue de presse
Commander l'ouvrage







Contacter Laura Laufer
S'inscrire à la newsletter



création graphique © atelier du nomansland
Entretien avec Sydney Pollack, retour sur la colorisation. Réédition Propriété interdite de S. Pollack









Si le son sort trop fort de votre lecteur, il est à ajuster. Pour cela baisser la sortie son de votre lecteur. Désolée, ce défaut sera corrigé par la suite.

En raison de la réédition en copie neuve de Propriété interdite, je vous propose d’écouter un extrait d’un entretien que j’ai réalisé avec Sydney Pollack en 1988, entretien qui ne portait pas sur ce film.
Propriété interdite passe à Paris dans les cinémas Reflet Medicis 3 rue Champollion 75005 Paris 5e arrondissement (Métro Saint-Michel, Cluny) et Mac Mahon 5, av. Mac-Mahon 75017 Paris 17e arrondissement (Métro Etoile). Le film passe aussi à Lyon.

J’ai réalisé cet entretien avec Sydney Pollack peu après une longue grève des scénaristes d’Hollywood, pour la défense de leurs droits d’auteur. C’est aussi l’époque où le cinéaste s’engageait, , avec Woody Allen, Martin Scorsese, Miloš Forman, contre la colorisation des films, procédé contre lequel je m’étais moi même insurgée, en France, dans la revue Cinéma (cf.article ci-dessous).
Dans Propriété interdite Robert Redford joue aux côtés de Natalie Wood, et c’est la première fois que Sydney Pollack dirige l’acteur. L’expérience se répétera six fois encore pour une collaboration fructueuse avecJeremiah Johnson en 1972, Nos plus belles années (The Way We Were) en 1973, Les Trois Jours du condor (Three Days of the Condor en 1975, Le Cavalier électrique (The Electric Horseman) en 1979, Out of Africa : Souvenirs d’Afrique (Out of Africa) en 1985, et d’Havana en 1990.

Sydney Pollack, après avoir débuté comme acteur, était passé par une carrière de réalisateur à la télévision avant de tourner pour le cinéma.
Propriété interdite est le deuxième film de Sydney Pollak et il s’inspire de la pièce en un acte, éponyme, de Tennesse Williams. L’action se situe durant la grande crise économique des années trente : Owen Legate (Robert Redford), employé des chemins de fer, arrive dans une petite ville du Sud dont le rail est la principale activité économique. Il a pour mission de licencier une partie des cheminots. Logé dans l’unique hôtel de la ville, il tombe amoureux d’ Alva (Natalie Wood), la fille de la patronne, mi- pute, mi femme - enfant, très convoitée par les hommes. Alva voudra partir avec Owen mais sa mère qui tire profit des charmes de sa fille n’entend pas se la laisser prendre et intervient.

Propriété interdite possède une équipe prestigieuse. À la production, on trouve John Houseman, l’audacieux complice des créations théâtrales, puis radiophoniques d’Orson Welles et par ailleurs producteur de certains des plus beaux films de Minnelli ; au scénario figure le nom d’un jeune auteur, sorti tout droit de la prolixe écurie de Roger Corman et dont on entendra parler, à l’avenir, car il s’appelle Francis Ford Coppola. La photographie est l’œuvre d’un maître et pionnier de cet art, le grand James Wong Howe, dont on reconnaît le style par son travail sur les contrastes, les teintes très chaudes, les éclairages en clair- obscur. Enfin, les costumes sont dus à Edith Head dont le style, à la fois sobre mais de très grande élégance, a habillé pour l’écran Grace Kelly, Audrey Hepburn, Jerry Lewis et à sept reprises Natalie Wood.

-

James Wong Howe : Cinematographer

Je n’ai pas encore revu Propriété interdite que j’ai découvert en France, à la fin des années soixante, mais j’en garde un beau souvenir.
Son récit montre - comme dans l’ œuvre de Tennesse Williams-, le rêve américain et ses désillusions, l’impact du passé dans le présent, la quête impossible du bonheur.

Il me semble que Sydney Pollack a su faire naître avec sensibilité une certaine mélancolie dans son récit et que tout l’espace du film (extérieurs et intéreurs) est imprégné de cette atmosphère du Sud des Etats Unis chère à Tennessee Williams. D’ailleurs Pollack a tenu à tourner à Bay St Louis dans l’État du Mississippi. J’ai gardé un souvenir fort du jeu de Natalie Wood alliant subtilement douceur, rage et fièvre. C’est probablement son troisième plus beau rôle venant, pour moi, après les personnages qu’elle incarnait dans La fièvre dans le sang et La fureur de vivre.
Tennessee Williams n’aimait pas le film et s’estimait trahi. Il avait songé à faire retirer son nom du générique mais il y renonça.
Dans Propriété interdite, l’intensité dramatique est exprimée dans une écriture classique dont la retenue dans le jeu des émotions, mieux que l’hystérie qui commençait à envahir le jeu des acteurs dans de nombreux films de la fin des années 1960, me semble être une des grande qualités.

Ajoutons que Bertrand Tavernier et Jean - Pierre Coursodon dans leur célèbre et indispensable ouvrage 50 ans de cinéma américain voyaient dans Propriété interdite, au delà de ses qualités d’émotions, une beauté lyrique, signalant, à ce propos, que le film possède un des plus beaux travelling arrière de tout le cinéma américain.

C’est dire si le film est à découvrir ou à revoir !

À propos de la colorisation, (on l’écrit aussi de manière plus barbare "colorization" !), voici l’ article que j’avais écrit pour la revue Cinéma, N° 398, paru en mai 1987