Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

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Le Cheik blanc de Federico Fellini. Mémoire de cinéma : le Rex, Châtenay-Malabry









Cycle Mémoire de cinéma au Rex de Châtenay -Malabry. Programmation et animation Laura LAUFER. 364, av. de la division Leclerc- 92290 Châtenay-Malabry Tél. 01 40 83 19 73
Achetez 1 place, venez à 2 pour toutes les séances du cycle !

Le 16 octobre prochain à 20h30, je présenterai Le Cheik Blanc (1952) de Federico Fellini. Séance suivie d’un débat. Programme www.chatenay-malabry.fr/pdf/telecharge/rex.pdf

Le Cheik blanc de Federico Fellini avec A. Sordi, B. Bovo, L. Trieste, G.Masina.1952.1h32. Ivan et Wanda, couple provincial, viennent à Rome en voyage de noces. Ivan a déjà son programme : présenter Wanda à sa famille, l’emmener voir la tombe du Soldat inconnu et le Pape en audience publique. Wanda n’a qu’un rêve : rencontrer son idole, le Cheik Blanc, héros de son roman-photo favori.
Plage, mer, défilés, fontaines de Rome, société du spectacle, prostituées, personnages clownesques, Église, Famille apparaissent dans une écriture qu tend au baroque pour saisir le conflit entre le rêve et la réalité : c’est tout l’univers de Fellini qui s’affirme déjà dans cette comédie satirique, premier film — contrairement aux Feux du music-hall coréalisé avec Alberto Lattuada — que le cinéaste dirige seul.
Derrière le miroir aux alouettes que représente le monde du photo-roman, Fellini montre que la lumière n’y produit que des clichés et que le mouvement n’y offre que le défilé de figures grotesques, tel le personnage du Cheik blanc, véritable histrion.
Les rêves de Wanda, sorte de Madame Bovary, échouent sur une plage et Ivan, petit bourgeois clownesque pétri par les valeurs de la Famille, de la Religion et de la Patrie, devra mentir pour sauver les apparences.
Sept ans après la fin du fascisme, Fellini nous dévoile la société du spectacle et le spectacle d’une certaine société italienne petite-bourgeoise et médiocre.

Le trait, grinçant mais sans mépris pour ceux dont il se moque, vient, ici, d’un artiste qui pratiqua l’art du dessin satirique et de caricature durant toute sa vie
Comprendre le lien qui unit Fellini à cet art de la caricature comme à celui de la bande dessinée est essentiel.
Le Cheik blanc connu aussi en France sous le titre de Courrier du cœur est le premier film où la musique de Nino Rota accompagne, pour Fellini, le scintillement de la mer.
Au bas de cette page : The long journey du grand cinéaste russe d’animation Khrzhanovsky, film composé de dessins de Fellini sur un scénario de Tonino Guerra).

Laura L.

Prologue...

Le Cheik blancest aussi connu en France sous le titre Courrier du cœur, et pour rentrer dans le vif du sujet ... une petite visite indispensable et très édifiante s’impose sur http://www.nousdeux.fr/, avant un retour sur ma page. Bon voyage !

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Ci-dessous quelques images de Rudolf Valentino prodiguant d’ardents baisers dans ses rôles célèbres. Véritable Dieu de l’Amérique des années 1920, Valentino fut au cinéma ce personnage du Sheik qui fit rêver et se pâmer des millions de femmes. C’est à lui que Fellini fait un clin d’œil dans son Cheik blanc. Valentino, le latin lover qui dans son rôle du White Sheik (s’écrit avec un S pour l’anglais) fut le symbole de la séduction exotique. Il mourut à 31 ans. Sa mort déclencha émeutes, crises d’hystéries et suicides. Le tout Hollywood suivit ses funérailles pharaoniques où une foule d’une centaine de milliers de personnes se pressa sur un kilomètre, tandis que des avions déversaient des pluies de pétales de rose sur New York.
Ici, Julie London chante Nice girls don’t stay forbreakfast : telle Wanda, l’héroïne du Cheik blanc de Fellini, les filles sages ne restent pas pour le petit déjeuner !

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- Toujours en lien avec le Cheik blanc de Fellini, ci-dessous, un court -métrage de Michelangelo Antonioni L’amorosa menzogna tourné en 1949, soit trois ans avant Le Cheik blanc de Federico Fellini. C’est sur une idée de Michelangelo Antonioni, que Fellini écrira, avec son scénariste Tullio Pinelli, Le cheik blanc. Vous excuserez le mauvais état du film présenté ici en v.o. non sous titrée, mais il n’est pas inutile pour le public curieux de connaître les deux films.

C
Laura


Plein tarif : 6,20€. Tarif réduit : 5,20€ (retraités, familles nombreuses, chômeurs). Adhérent : 5,20€.
Tarif jeune (moins de 25 ans) : 3,20€ (sur présentation d’un justificatif de scolarité).Pass Jeunes : 3€. Carte d’adhérent : 8€. Carte d’abonnement Jeune Scolaire (-25 ans) (Valable 1 an) : 30€ les 10 places
Carte d’abonnement tarif réduit et adhérent (Valable 1 an) : 40€ les 10 places. Carte d’abonnement plein tarif (Valable 1 an) : 50€ les 10 places

Federico Fellini, de la mer à la lune

Dans un style unique, le cinéma de Fellini dit sa vérité matérialisant un imaginaire où le sensible et l’émotion semblent dominer la raison. Venu du dessin de caricature et de la satire littéraire, le cinéaste métamorphose le réel en grotesque. Ainsi, le satirique et formidable Courrier du cœur, l’émouvant et superbe I Vitelloni dessinent en Italie le portrait d’une génération de petit-bourgeois bigote ou désœuvrée qui succède au fascisme.

Les premiers films appartiennent au néoréalisme, notamment dans une trilogie d’inspiration chrétienne qui montre des êtres touchés par la grâce, La Strada, Il Bidone, Les Nuits de Cabiria.

Dans Il bidone (restauré par Carlotta Film), ce chef d’œuvre tragique, Fellini dessine le paysage d’une Italie où la misère du pauvre est exploitée par encore plus misérable et où le voleur honteux et humilié s’avilit chaque jour davantage. Montrant les actions d’escrocs minables, Fellini s’attache au personnage central, l’escroc Augusto, le plus beau « clown » de l’œuvre fellinienne. Ce rôle complexe et troublant est tenu par le formidable acteur Broderick Crawford qui, derrière le physique épais du personnage, joue toute la douleur d’un homme déchiré, vieillissant, usé et qui marche à l’abattoir.

La deuxième période de l’œuvre fellinienne s’ouvre avec La Dolce Vita dont la copie restaurée sort cette semaine. Ce film charnière confirme le style baroque du cinéaste qu’on pressent dès Le courrier du coeur. Fellini y montre une société romaine dont « l’âme » dérive et qui ne s’incarne plus que dans de faux miracles avec la bénédiction de l’Église. Ce film, où l’abondance des corps déborde l’écran par son aspect spectaculaire, révèle la décadence d’une société bourgeoise qui exhale la charogne jusqu’à la nausée. "Rome buvait, gaie, ivre et la face rougie ; et l’odeur du tombeau sortait de cette orgie." (1) Ces vers que j’emprunte à Victor Hugo conviennent à merveille pour décrire la vision qu’y donne Fellini de la ville où naquit l’Occident. La Dolce Vita provoquera la colère du Vatican.

Dans 8 ½, l’expression du monde intime du réalisateur apparaît dans une forme cinématographique neuve. L’écriture réfléchit sur elle-même et tient de l’autobiographie, de l’introspection, de l’expression des sentiments et des névroses, non sans narcissisme. Le processus de création devient ici le récit du film et crée un métalangage. Ce « 8e film et demi » raconte l’angoisse du cinéaste devant la « page blanche » et, ouvrant à un cinéma de fantastique intérieur, montre, de l’intérieur, le processus de création d’un film. De là, nulle surprise, si plus tard E. A. Poe inspire à Fellini, le superbe Toby Dammit.

D’essence baroque, la mise en scène fellinienne transfigure le réel dans des films protéiformes. La Dolce Vita compose un kaléidoscope Satyricon une fresque , Roma une mosaïque La cité des femmes marche en boucle Et vogue le navire fonctionne sur le principe de l’hélice.

Moderne, la mise en scène fellinienne choisit la déambulation. Sa lumière varie grise, noire ou très blanche et montre les exclus aller de complainte en danse funèbre de La Strada aux Clowns. Sa couleur naît dans ce point d’orgue sublime qu’est Juliette des esprits. Sa musique lie son destin à celui de Nino Rota. Impossible de songer aux films de Fellini, sans entendre dans nos têtes celle-ci qui lui fait corps ! Son mouvement par l’accumulation de blocs de séquences devient perpétuel défilé où le montage devient "montrage".

Fellini, par le spectacle de la société, fait de la société du spectacle le cœur politique de son œuvre. Un spectacle où se remarquent récurrentes, les processions, défilés, parades, manifestations.

Le héros fellinien paraît figure de proue, flâneur, Don Quichotte. Rien ne garantit son envol ou son atterrissage, mais tout exprime son désir cosmique.

En archéologue de l’imaginaire, Fellini descend fouiller sous terre ou bien il se fait cosmonaute et décolle pour mieux explorer. Ses films voyagent du noir continent de La cité des femmes au désert glacé de Casanova où le phallus devient au vagin ce qu’Ubu est à la Pologne (2), où la mécanique du sexe copule avec la poupée sœur de celle de Bellmer ou frère du pantin du théâtre de Kantor (3).

Parti de Rimini, Fellini a vécu et travaillé à Rome, ville du gouvernement, du cinéma, de l’Église. C’est de là, au studio 5 de Cinecitta, qu’est née sa critique de cette Sainte Trinité.

Si l’émouvant et superbe Amarcord tire le bilan du fascisme Ginger et Fred dévoile la vérité sur l’ère de la télévision qui sonne le triomphe de la misère. Trente-sept ans ont passé d’une Italie qui a vu finir le Duce et commencer Berlusconi.

Dans le studio 5 de Cinecitta, les films de Fellini se sont tissés là où souffle le vent, au pied d’échafaudages suspendus entre mer et lune comme autant d’astronefs. Rêve d’Icare où l’imaginaire satellise le réel en un phénomène semblable à celui de l’attraction lunaire qui provoque les marées.
Dans ses films Fellini a toujours réinventé la mer. De Rimini à Rome, de Lumière à Méliès, l’artiste a accompli son Voyage vers la lune(4) dans un 7e Art dont la lumière n’avait pas encore disparu.

- ©Laura Laufer.-

1. V.Hugo, La Décadence de Rome.
2. Pièce de Jarry, Ubu est roi de Pologne et tyran.
3. Auteur polonais d’un théâtre de la déshumanisation
4. Allusion au Voyage dans la lune de G. Méliès

En hommage aux merveilleux dessins de Fellini, je vous propose ce film composé exclusivement de ses dessins Le long voyage et réalisé par le grand cinéaste russe d’animation Khrzhanovsky. http://youtu.be/Q2rud0PfV88

Ce film au scénario de Tonino Guerra évoque l’amour du cinéaste pour sa femme, l’actrice Gulietta Masina : 50 ans d’une vie de couple que la mort sépara.

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A ma connaissance, le film Agence matrimoniale de Fellini segment de L’amour à la ville réalisé par un collectif de cinéastes du néo-réalisme (Carlo Lizzani, Dino Risi, Michelangelo Antonioni, Francesco Maselli et Cesare Zavattini, Alberto Lattuada ) est toujours inédit en France. Le voici donc en italien sans sous- titre en espérant le voir en France sous - titré...
http://youtu.be/dfxoOocnccQ

1953. Résumé : un jeune journaliste se voit confier une enquête sur les agences matrimoniales. Sceptique, il se fait passer pour un client de l’une d’entre elles, à la recherche d’une femme pour un riche ami, si bien qu’il raconte que ce dernier souffre d’épilepsie, qu’il est contraint de vivre à la campagne parce que pendant les nuits de pleine lune il se transforme en loup-garou. Il parvient à lui trouver une fille qui est prête à se marier. Il s’agit d’une fille douce, ingénue qui met en crise le cynisme du protagoniste.
Réalisateur : Federico Fellini Histoire : Federico Fellini
Scénario : Federico Fellini, Tullio Pinelli
Image : Gianni Di Venanzo
Musique : Mario Nascimbene
avec
Antonio Cifariello : Giornalista
Livia Venturini : Rossana
Ilario Maraschini : proprietario dell’agenzia
Angela Pierro : direttrice dell’agenzia

Le principe de L’amour à la ville un des films "manifeste" du néo-réalisme proposé par par Maselli et Zavattini tentent l’impossible reconstruction d’un événement réel et que les autres cinéastes optent pour une contribution sous forme de documentaire, Fellini choisit la clef du récit « faussement vrai ». Le riminais n’a jamais partagé les théories de Zavattini sur le cinéma-vérité car il est persuadé qu’il faut tout inventer. Selon certains témoignages, Federico entreprend une enquête auprès de l’agence matrimoniale Omega se présentant sous le sigle C.L.35. D’après d’autres personnes, il raconte une histoire à Zavattini pour le contenter, ou bien pour s’amuser dans son dos, lui qui était l’ardent théoricien du néoréalisme. La chose la plus probable est que rien dans l’épisode de Agenzia matrimoniale, qui avait été écrit avec la collaboration de Pinelli, est « pris de la vie » à la manière de Zavattini, en commençant par les protagonistes qui sont deux jeunes acteurs professionnels. Antonio Cifariello, lequel prête son nom et son prénom au personnage du journaliste,est déjà apparu dans d’autres films et il est au début d’une carrière honorable d’acteur qui le placera parmi les visages populaires du « néoréalisme rose » […]. Le rôle de la jeune fille qui s’appelle Rossana est joué par Livia Venturini, une actrice qui s’est occupée aussi de doublage, laquelle se révélera dans le rôle de la jeune bonne sœur dans La strada et encore dans quelques autres films.
(Tullio Kezich, Fellini, Milano, Camunia, 1987, pp. 210-211)