Laura Laufer est l'auteur du livre Jacques Tati ou le temps des loisirs, publié aux Editions de l'If.

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Viva FELLINI ! à La Filmothèque du Quartier Latin









La Filmothèque du Quartier latin rend hommage à Federico Fellini avec la sortie en versions numériques restaurées de Huit et demi et de La Dolce Vita . Cette sortie est accompagnée d’ une rétrospective de l’oeuvre à partir du mercredi 27 mars avec les films suivants : Casanova , La cité des femmes , Et vogue le navire , Roma , Il bidone , Juliette des esprits , Les nuits de Cabiria et Satyricon .

Informations pratiques Filmothèque du Quartier Latin
9 rue Champollion - 75005 Paris (M° Cluny La Sorbonne, Odéon, RER Luxembourg) 01 43 26 70 38.
www.lafilmotheque.fr

Ici Nino Rota au piano joue le thème principal de Huit et demi.

Federico Fellini, de la mer à la lune

Dans un style unique, le cinéma de Fellini dit sa vérité matérialisant un imaginaire où le sensible et l’émotion semblent dominer la raison. Venu du dessin de caricature et de la satire littéraire, le cinéaste métamorphose le réel en grotesque. Ainsi, le satirique et formidable Courrier du cœur, l’émouvant et superbe I Vitelloni dessinent le portrait d’une génération de petit-bourgeois bigote ou désœuvrée qui succède au fascisme dans une Italie encore provinciale.

Les premiers films appartiennent au néoréalisme, notamment dans une trilogie d’inspiration chrétienne qui montre des êtres touchés par la grâce, La Strada, Il Bidone, Les Nuits de Cabiria.

Dans Il bidone, ce chef d’œuvre tragique, Fellini dessine le paysage d’une Italie où la misère du pauvre est exploitée par encore plus misérable et où le voleur honteux et humilié s’avilit chaque jour davantage. Montrant les actions d’escrocs minables, Fellini s’attache au personnage central, l’escroc Augusto, le plus beau « clown » de l’œuvre fellinienne. Ce rôle complexe et troublant est tenu par le formidable acteur Broderick Crawford qui, derrière le physique épais du personnage, joue toute la douleur d’un homme déchiré, vieillissant, usé et qui marche à l’abattoir.

La deuxième période de l’œuvre fellinienne s’ouvre avec La Dolce Vita dont la copie restaurée sort cette semaine. Ce film charnière confirme le style baroque du cinéaste qu’on pressent dès Le courrier du coeur. Fellini y montre une société romaine dont « l’âme » dérive et qui ne s’incarne plus que dans de faux miracles avec la bénédiction de l’Église. Ce film, où l’abondance des corps déborde l’écran par son aspect spectaculaire, révèle la décadence d’une société bourgeoise qui exhale la charogne jusqu’à la nausée. "Rome buvait, gaie, ivre et la face rougie ; et l’odeur du tombeau sortait de cette orgie." (1) Ces vers que j’emprunte à Victor Hugo conviennent à merveille pour décrire la vision qu’y donne Fellini de la ville où naquit l’Occident. La Dolce Vita provoquera la colère du Vatican.

Dans 8 ½, l’expression du monde intime du réalisateur apparaît dans une forme cinématographique neuve. L’écriture réfléchit sur elle-même et tient de l’autobiographie, de l’introspection, de l’expression des sentiments et des névroses, non sans narcissisme. Le processus de création devient ici le récit du film et crée un métalangage. Ce « 8e film et demi » raconte l’angoisse du cinéaste devant la « page blanche » et, ouvrant à un cinéma de fantastique intérieur, montre, de l’intérieur, le processus de création d’un film. De là, nulle surprise, si plus tard E. A. Poe inspire à Fellini, le superbe Toby Dammit.

D’essence baroque, la mise en scène fellinienne transfigure le réel dans des films protéiformes. La Dolce Vita compose un kaléidoscope Satyricon une fresque , Roma une mosaïque La cité des femmes marche en boucle Et vogue le navire fonctionne sur le principe de l’hélice.

Moderne, la mise en scène fellinienne choisit la déambulation. Sa lumière varie grise, noire ou très blanche et montre les exclus aller de complainte en danse funèbre de La Strada aux Clowns. Sa couleur naît dans ce point d’orgue sublime qu’est Juliette des esprits. Sa musique lie son destin à celui de Nino Rota. Impossible de songer aux films de Fellini, sans entendre dans nos têtes celle-ci qui lui fait corps ! Son mouvement par l’accumulation de blocs de séquences devient perpétuel défilé où le montage devient "montrage".

Fellini, par le spectacle de la société, fait de la société du spectacle le cœur politique de son œuvre. Un spectacle où se remarquent récurrentes, les processions, défilés, parades, manifestations.

Le héros fellinien paraît figure de proue, flâneur, Don Quichotte. Rien ne garantit son envol ou son atterrissage, mais tout exprime son désir cosmique.

En archéologue de l’imaginaire, Fellini descend fouiller sous terre ou bien il se fait cosmonaute et décolle pour mieux explorer. Ses films voyagent du noir continent de La cité des femmes au désert glacé de Casanova où le phallus devient au vagin ce qu’Ubu est à la Pologne (2), où la mécanique du sexe copule avec la poupée sœur de celle de Bellmer ou frère du pantin du théâtre de Kantor (3).

Parti de Rimini, Fellini a vécu et travaillé à Rome, ville du gouvernement, du cinéma, de l’Église. C’est de là, au studio 5 de Cinecitta, qu’est née sa critique de cette Sainte Trinité.

Si l’émouvant et superbe Amarcord tire le bilan du fascisme Ginger et Fred dévoile la vérité sur l’ère de la télévision qui sonne le triomphe de la misère. Trente-sept ans ont passé d’une Italie qui a vu finir le Duce et commencer Berlusconi.

Dans le studio 5 de Cinecitta, les films de Fellini se sont tissés là où souffle le vent, au pied d’échafaudages suspendus entre mer et lune comme autant d’astronefs. Rêve d’Icare où l’imaginaire satellise le réel en un phénomène semblable à celui de l’attraction lunaire qui provoque les marées.
Dans ses films Fellini a toujours réinventé la mer. De Rimini à Rome, de Lumière à Méliès, l’artiste a accompli son Voyage vers la lune(4) dans un 7e Art dont la lumière n’avait pas encore disparu.

- ©Laura Laufer.-

1. V.Hugo, La Décadence de Rome.
2. Pièce de Jarry, Ubu est roi de Pologne et tyran.
3. Auteur polonais d’un théâtre de la déshumanisation
4. Allusion au Voyage dans la lune de G. Méliès

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A ma connaissance, le film Agence matrimoniale de Fellini segment de L’amour à la ville réalisé par un collectif de cinéastes du néo-réalisme (Carlo Lizzani, Dino Risi, Michelangelo Antonioni, Francesco Maselli et Cesare Zavattini, Alberto Lattuada ) est toujours inédit en France. Le voici donc en italien sans sous- titre en espérant le voir en France sous - titré...
http://youtu.be/dfxoOocnccQ

1953. Résumé : un jeune journaliste se voit confier une enquête sur les agences matrimoniales. Sceptique, il se fait passer pour un client de l’une d’entre elles, à la recherche d’une femme pour un riche ami, si bien qu’il raconte que ce dernier souffre d’épilepsie, qu’il est contraint de vivre à la campagne parce que pendant les nuits de pleine lune il se transforme en loup-garou. Il parvient à lui trouver une fille qui est prête à se marier. Il s’agit d’une fille douce, ingénue qui met en crise le cynisme du protagoniste.
Réalisateur : Federico Fellini Histoire : Federico Fellini
Scénario : Federico Fellini, Tullio Pinelli
Image : Gianni Di Venanzo
Musique : Mario Nascimbene
avec
Antonio Cifariello : Giornalista
Livia Venturini : Rossana
Ilario Maraschini : proprietario dell’agenzia
Angela Pierro : direttrice dell’agenzia

Le principe de L’amour à la ville un des films "manifeste" du néo-réalisme proposé par par Maselli et Zavattini tentent l’impossible reconstruction d’un événement réel et que les autres cinéastes optent pour une contribution sous forme de documentaire, Fellini choisit la clef du récit « faussement vrai ». Le riminais n’a jamais partagé les théories de Zavattini sur le cinéma-vérité car il est persuadé qu’il faut tout inventer. Selon certains témoignages, Federico entreprend une enquête auprès de l’agence matrimoniale Omega se présentant sous le sigle C.L.35. D’après d’autres personnes, il raconte une histoire à Zavattini pour le contenter, ou bien pour s’amuser dans son dos, lui qui était l’ardent théoricien du néoréalisme. La chose la plus probable est que rien dans l’épisode de Agenzia matrimoniale, qui avait été écrit avec la collaboration de Pinelli, est « pris de la vie » à la manière de Zavattini, en commençant par les protagonistes qui sont deux jeunes acteurs professionnels. Antonio Cifariello, lequel prête son nom et son prénom au personnage du journaliste,est déjà apparu dans d’autres films et il est au début d’une carrière honorable d’acteur qui le placera parmi les visages populaires du « néoréalisme rose » […]. Le rôle de la jeune fille qui s’appelle Rossana est joué par Livia Venturini, une actrice qui s’est occupée aussi de doublage, laquelle se révélera dans le rôle de la jeune bonne sœur dans La strada et encore dans quelques autres films.
(Tullio Kezich, Fellini, Milano, Camunia, 1987, pp. 210-211)

Durant toute sa vie Federico Fellini a dessiné, croquant les futurs personnages de ses films ou racontant ses rêves. Je vous propose, ici, ce film composé exclusivement de ses dessins Le long voyage réalisé par le grand cinéaste
russe d’animation Khrzhanovsky. http://youtu.be/Q2rud0PfV88

Dans Le long voyage, le scénariste Tonino Guerra, narrateur du film, évoque l’amour du cinéaste pour sa femme, l’actrice Gulietta Masina : 50 ans d’une vie de couple que la mort sépara.

Egalement sur ce site vous trouverez d’autres pages consacrées à Fellini http://www.lauralaufer.com/spip/spip.php?article125 et http://www.lauralaufer.com/spip/spip.php?article127